Questions à Barbara Assiginaak à propos de la musique vocale et de son oeuvre «Giiwedin»
Comment avez-vous abordé cette nouvelle composition ?
Comme pour d’autres œuvres, j’ai écrit un texte original en anishinaabemowin, avec des indications de prononciation pour les chanteurs. C’est une langue onomatopéique et expressive, étroitement liée aux sons naturels. J’aime explorer toutes les possibilités vocales, même expérimentales, pour ressentir notre lien avec la nature. Le thème de l’hiver, qui m’a été proposé, m’est cher : je travaille depuis plus de vingt ans en éducation environnementale en plein air. N’ayant pas grandi dans une ville, les êtres non- humains qui m’entouraient m’ont tant appris. Dans le contexte actuel de changements climatiques, le «temps de l’hiver» prend une signification encore plus forte pour les peuples autochtones comme pour le monde entier.
Quelle est votre relation à la musique vocale, notamment chorale ?
L’anishinaabemowin est la première langue que j’ai entendue dans les berceuses chantées par ma mère en odawa ; langue qu’elle a gardée pour elle-même au pensionnat, loin de sa réserve natale. Ce lien avec la voix maternelle et sa langue natale est profondément ancré dans ma musique, y compris chorale.
Depuis des décennies, des aînés m’ont demandé de participer à la préservation des hymnes Anishinaabe, riches en significations codées syncrétiques. Il faut se souvenir que de nombreux enfants autochtones ont été punis pour avoir chanté ou parlé leur langue. Je respecte les esthétiques diverses du chant de groupe. Le chant choral occidental vise à «mélanger» les voix mais, dans d’autres traditions, la cohabitation de voix distinctes au sein du groupe peut s’avérer intensément expressive. Les respirations, les arrêts glottaux, les voyelles nasalisées ou syncopées font partie intégrante des langues indigènes. Les voix stridentes entendues dans les pow-wows m’ont aussi profondément marquée : elles expriment ce qui vient de la terre et des êtres non-humains. Les langues humaines proviennent de la terre, des eaux et des cieux, influencées par les vents, les oiseaux et les créatures qui nous ont appris à chanter et à survivre.
Pourriez-vous nous parler de votre œuvre Giiwedin ?
Les sons du vent du nord (Giiwedin) sont si différents des autres vents. Les vents froids qui viennent du nord sont puissants et ont leur propre guérison et leurs propres messages à apporter. Les vents sont des êtres, avec leurs propres sons et caractères sonores. Outre mon propre texte et ma chanson en anishinaa-bemowin, je m'inspire également de l'ensemble des sons vocaux et corporels que les humains peuvent produire et qui nous rappellent nos liens et nos inter-connexions avec les êtres non-humains, y compris les vents et les autres éléments. Ils nous rappellent également notre humilité et la puissance de la nature, et nous invitent à prendre soin de Shkagmikwe (notre mère la Terre) qui soutient tous les êtres vivants ici.