En 2021, nous avons initié avec Toulouse les Orgues un partenariat dans le cadre des "Quartiers d’été" autour des transcriptions pour chœur et orgue des grands requiem du répertoire.
Nous avons d’abord commandé à Shin Young Lee la transcription du Requiem de Saint-Saëns. L’année suivante, le chœur de l’ Académie d’été du Centre national d’art vocal a plongé avec plaisir dans la transcription de Martin Focke et Andreas Köhs du Requiem de Mozart sous la direction de Claire Suhubiette, avec William Fielding à l’orgue. En 2023, c’est un autre monument de l’art choral le Requiem de Duruflé dans la transcription par le compositeur lui-même qui a été mis à l’honneur - un beau moment à la Basilique Saint-Sernin avec Michel Bouvard à l’orgue.
Cette année, pour clore ce cycle de transcriptions, nous avons choisi d’interpréter le Requiem de Desenclos écrit pour orchestre en 63 et dont Alfred Desenclos a fait lui-même une version pour orgue seul.
Nous retrouvons Yves Rechsteiner à l’orgue pour ce troisième requiem français.
Au Programme
Henri Dallier
- Stella Matutina pour orgue
- O clemens, O pia pour orgue
Alfred Desenclos
- O Salutaris pour soprano solo et orgue
- Ave Maria pour basse solo et orgue
- Agnus Dei pour 4 solistes, choeur et orgue
- Salve Regina pour chœur a cappella
- Requiem
La version avec orgue du Requiem de Desenclos fut réalisée par l'auteur lui-même, l'orchestre n'ayant qu'un rôle discret dans cette œuvre centrée sur l'écriture vocale. L'usage de l'orgue est donc parfaitement légitime et, peut-être, plus en adéquation avec l'ambiance générale de ce Requiem.
Au contraire de Duruflé, qui a établi une véritable transcription pour orgue de son propre Requiem, Desenclos s'est contenté d'une simple réduction, assez avare de registrations, mais riche d'indications dynamiques (nuances, soufflets, crescendos et decrescendos).
Extrait du livret du disque Desenclos – Requiem (éd. Hortus)

C’est au CRR de Limoges, à l’âge de 6 ans, que Cécile débute le piano, la FM puis la percussion. Elle entre dans la classe de chant à l’âge de 16 ans. Après l’obtention de son Baccalauréat et d’une Médaille d’OR de Formation Musicale, elle s’installe à Lyon où, entre 1991 et 1998, elle obtient au CRR des Médailles d’OR en disciplines d’érudition (Histoire de la Musique, Analyse) puis en Musique de Chambre et Chant (à l’Unanimité du Jury). En septembre 1998, elle entre au CNSMD de Lyon d’où elle sortira diplômée en 2003.
C’est à la faveur d’une audition pour l’Ensemble de la Chapelle Royale de Philippe Herreweghe en juin 1998, que Cécile rencontre Joël Suhubiette avec lequel elle travaille depuis, tant en Soliste qu’au sein de ses deux ensembles, Les Éléments et Jacques Moderne, dans lesquels elle explore des répertoires toujours riches et variés.
Avec Les Éléments, elle a eu l’occasion de chanter en soliste sous les baguettes de Michel Plasson, Louis Langrée, Emmanuel Krivine, Christophe Rousset ou encore Jean-Marc Andrieu. Passionnée d'enseignement et titulaire du Diplôme d'État de Technique Vocale, elle enseigne le chant au CRR de Lyon depuis septembre 2023.

Élève au Conservatoire Régional de Toulouse dans la classe d'Anne Fondeville, Cécile étudie auprès de Léontina Vaduva, Gabriel Bacquier, Jean-Philippe Lafont, Daniel Ferro, Andrew Schroeder et Philippe Cassard dans le cadre de master-classes et obtient son DEM de chant lyrique en 2012.
Durant ces années, on lui confie plusieurs rôles dont celui de l'Enfant dans « l'Enfant et les Sortilèges » de Ravel au Théâtre du Capitole de Toulouse avec Christophe Larrieu et Jean Philippe Lafont à la direction musicale.
Passionnée par la musique ancienne, c'est tout naturellement qu'elle entre au Pôle des Arts Baroques de Toulouse dirigé par Gilles Colliard, afin de se spécialiser dans la musique ancienne. Là, elle suit l'enseignement de Jérôme Corréas (chef d'orchestre Les Paladins) et obtient son Diplôme de Chant Baroque ainsi que de Musique de Chambre mention TB à l'unanimité avec les félicitations du Jury.
Depuis plusieurs années elle travaille avec Didier Laclau-Barrère, professeur de chant de l'Académie Internationale de Musique Française Michel Plasson notamment, ainsi que ponctuellement avec Sophie Koch et se produit avec les Chœurs du Capitole de Toulouse et de l'Opéra de Montpellier en tant que supplémentaire.
En plus de son spectacle lyri-comique Les Cata Divas, Cécile se produit en tant que soliste lors de concerts tels que “La Messe en Ut mineur”, “ La Messe du Couronnement” Mozart, Les“Requiem” de Leavitt, Gounod et Mozart, “Les Vépres à la Vierge” Monteverdi, “La Misa Tango” de Palmeri et Bacalov ou encore le “Stabat Mater” de Pergolèse, ainsi que lors de divers récitals.
On a pu la voir aussi dans le rôle de Carmen dans “Carmen” de Bizet avec la compagnie Figaro and Co, Phébé dans “Castor el Polly” de Rameau ainsi que dans les Créations “Allons !” et “Sacrées Histoires !” avec l'ensemble A Bout de Souffle ; en 2" e et 3“’Dame dans “La Flûte Enchantée” de Mozart avec Les Chants de Garonne.
Vous pourrez la retrouver dès cet été dans un nouveau spectacle “Va Piano” au Festival Les Voix du Vallon de Bagnères-de-Bigorre, en Chérubin au festival des Nuits Musicales en Armagnac ou encore cet automne lors du Festyvocal avec l'ensemble “Transcontemporain” de Toulouse.

Après avoir travaillé quatre années au Conservatoire de Shanghai dans la classe de Wu Bo, Yu Shao obtient sa licence de musique en 2008. La même année il choisit de se rendre en France pour continuer ses études. Il travaille sa technique vocale auprès d’Eléonore Jost et de Leontina Vaduva. En 2012, il entre à la Chapelle musicale Reine Elisabeth en Belgique et se perfectionne auprès de Jose Van Dam. Il remporte le quatrième prix du Concours Reine Elisabeth en 2014 et le troisième prix du Concours de Toulouse cette même année. Avec l’Académie de l’Opéra National de Paris qu’il intègre en 2014, il interprète les rôles de Pylade (Iphigénie en Tauride) au Théâtre de Saint Quentin en Yvelines et de Ferrando (Cosi fan tutte) à la Maison des Arts de Créteil et au Théâtre d’Antibes. Par la suite, il chante dans les productions d’Aïda puis de Lucia di Lammermoor (rôle de Normanno) à l’Opéra Bastille, interprète le Requiem de Mozart à l’Opéra de Saint-Etienne, puis le rôle du Steurmann (Der Fliegende Holländer) à l’Opéra de Lille et celui de Bénédict dans Le Timbre d’Argent de Camille Saint-Saëns à l’Opéra-Comique. Plus, il se produit en Récital à l’Amphithéâtre Bastille et enregistre, avec Hervé Niquet et le Brussels Philharmonic, les cantates Fernand et La Vendetta de Gounod (à paraître prochainement). Puis il chante à l’Opéra de Bordeaux et à l’Opéra-Comique dans la production de Mârouf. Il se produit, le Pâtre et le Marin dans une version de concert de Tristan et Isolde à l’Opéra de Montpellier, puis Steurmann (Der Fliegende Holländer) à l’Opéra de Rennes, de Nantes et d’Angers. En été 2021, il a réinterprété le rôle de Ferrando dans Così fan tutte de Mozart avec Opéra Fuoco dirigé par David Stern.
Il a chanté à l’Opera de Dijon un concert des opéras français et italiens. Il va se produire à Erfurt (Allemagne) le rôle de Ismaël dans Nabucco dans le cadre Domstufen Festspiele en 2022, et il chantera à L’Opéra-Comique de Paris Marcellus et deuxième Fossoyeur (Hamlet) et Tybalt (Roméo et Juliette). À l’Opéra de Paris il chantera aussi Ruiz dans Il Trovatore en 2021. Il a également interprété le rôle de Nemorino dans L’Elisir D’Amore à l’Opéra de Bordeaux en 2022.
En saison 2022-2023, il a chanté dans deux productions du théâtre d’Aix-La-Chapelle dans les rôles de Raffaele de Stiffelio et Des Grieux dans Manon de Massenet. En juillet 2023, il a fait son début au festival d’Aix-en-Provence dans le concert de clôture du festival en chantant Arthur dans Lucie de Lamermoor de Donizetti. Il a chanté dans le concert de Noël Messe en Ut de Mozart avec Philharmonie de Strasbourg. En Août 2024, il a chanté le rôle de Alfredo dans La Traviata au festival de Parenthese Musicale à Clohar Carnoët.
Il a chanté également Gaston dans La Traviata à la philharmonie de Paris avec Jérémie Rhorer en décembre 2024. Au début de 2025, il a interprété Roméo dans Roméo et Juliette de Gounod à La Seine Musicale et il va continuer à chanter ce rôle trois fois dans la production de théâtre des Champs Elysées en 2026 et chanter le ténor solo à la Maison de Radio à Paris pour Le roi David d’Arthur Honegger.
En 2026 il va également interpréter le rôle de Belfiore dans La finta giardiniera de Mozart avec L’accademie de L’Opera de Paris et Pong dans Turandot à Rouen.

Après avoir débuté le chant avec Yves Sotin au CNR d'Angers et mené parallèlement des études de musicologie à Tours, Cyrille entre à la Guildhall School of music and drama de Londres dans la
classe de David Pollard et obtient son diplôme de Bachelor of music en 1998. Au sein de l'école, il chante Figaro dans Le Nozze de Figaro de Mozart et Taddeo dans l'Italienne in Algeri de Rossini.
Par la suite, il sera Arcas dans Thésée de Lully sous la direction de William Christie, Saül dans Mors Saülis et Jonathae, et Holopherne dans Judith Sive Bethulia liberata avec Martin Gester, ou
encore Zweiter Mann et Zweiter Priester dans Die Zauberflöte au Festival International d'Art Lyrique d'Aix en Provence, Lausanne et La Fenice de Venise.
Cyrille chante régulièrement les parties de soliste du répertoire d'oratorio : Le Messie de Haendel, La Messe en si mineur de Bach, le Te Deum de Charpentier...
Il collabore avec Joël Suhubiette au Chœur de chambre Les Éléments et à l'Ensemble Jacques Moderne de Tours où il aborde un très large répertoire allant de la Renaissance à la musique de
nos jours en passant par l'opéra.
Cyrille travaille régulièrement pour les principaux ensembles français tels que Accentus, Axe XXI, Musicatreize, Le Concert Spirituel, Les Métaboles ...

Du répertoire a capella à l’oratorio, de la musique de la renaissance à la création contemporaine, en passant par l’opéra, travaillant en relation avec des musicologues, allant à la rencontre des compositeurs d’aujourd’hui, Joël Suhubiette consacre l’essentiel de son activité à la direction de ses ensembles, le chœur de chambre toulousain les éléments qu’il a fondé en 1997 et l’ensemble Jacques Moderne de Tours dont il est le directeur musical depuis 1993.
Depuis 25 ans il est tout particulièrement à l’initiative de nombreuses commandes passées aux compositeurs et compositrices, notamment dans le répertoire a capella, et il s’investit à faire rayonner ces œuvres nouvelles au concert comme au disque.
Avec ces œuvres d’aujourd’hui, comme avec le répertoire ancien de la renaissance et du baroque, Joël Suhubiette a enregistré plus de 35 disques pour les labels Virgin Classics, Hortus, Calliope, Ligia Digital, Naïve, Mirare et l’Empreinte digitale.
Avec ses deux ensembles il est présent sur les principales scènes et festivals français, et est invité dans de nombreux pays d’Europe ainsi qu’en Amérique du Nord et du Sud, Afrique du Nord, Moyen-Orient et Asie.
Joël Suhubiette interprète également l’oratorio et l’opéra avec de nombreux orchestres et ensembles instrumentaux français (Café Zimmermann, Les Percussions de Strasbourg, Ars Nova, Concerto Soave, Les Passions, Les Ombres, Orchestres des opéras de Dijon et de Massy, Orchestre National du Capitole de Toulouse…).
Depuis 2006, il est directeur artistique du festival Musiques des Lumières de la Cité de Sorèze dans le Tarn. Joël Suhubiette a été nommé Officier des Arts et des Lettres par le ministère de la Culture.

Depuis sa création en 1997, sous l’impulsion de son directeur artistique Joël Suhubiette, le Chœur de chambre Les éléments s’est affirmé comme l’un des principaux acteurs de la vie chorale française et poursuit un projet musical exigeant, construit autour des missions essentielles dans le domaine de l’art vocal, telles que le rayonnement du répertoire notamment a cappella, de la musique ancienne à la musique contemporaine, la transmission et l’insertion professionnelle, les actions d’éducation artistique et culturelle, et le partage des ressources. Saluant et encourageant cet investissement au service de l’art vocal, le Ministère de la Culture a désigné le Chœur de chambre Les éléments, Centre d’Art Vocal pour la région Occitanie, dans le cadre de son programme national pour le rayonnement de l’art vocal.
Dans cette dynamique de transmission, Joël Suhubiette, secondé par la cheffe Claire Suhubiette, s’investit entre autres dans l’accompagnement de la pratique amateur à travers les projets d’Archipels, l’atelier vocal des Éléments et les académies d’été. Le chœur de l’académie réunit une quarantaine de chanteurs amateurs de haut niveau – professeurs de musique, étudiants en musicologie, chanteurs amateurs avec une solide formation vocale – qui travaillent en profondeur une œuvre choisie, lors d’une session de plusieurs jours, ici le Requiem de Desenclos

Né en Suisse, Yves Rechsteiner est formé à l’orgue et au clavecin à Genève et à Bâle. Lauréat de plusieurs concours internationaux, il enseigne depuis 1995 la basse continue au CNSMD Lyon, dont il a dirigé le département de musique ancienne jusqu’en 2014.
Ses programmes de concert sont principalement constitués de ses propres arrangements d’oeuvres classiques ou rock: Rameau, J.S.Bach, Mozart, Berlioz, Frank Zappa…
Amateur de rencontres musicales variées, il a collaboré avec des musiciens venus de divers univers musicaux (traditionnelles, jazz, classique, baroque)
Depuis 2014 il dirige le festival Toulouse les Orgues où il impulse une ouverture vers tous les styles musicaux incluant les musiques actuelles ou électroniques.
Il joue en duo depuis 2005 avec le percussionniste H.C Caget, et en trio avec le guitariste électrique F. Maurin. Il collabore également avec la contorsionniste Liste Pauton dans le spectacle Bach Metamorphosis.
Il a fait construire un orgue transportable, l’Explorateur, afin d’élargir la diffusion de projets avec orgue à tuyau.
Son travail de transcription est diffusé par les Edition YR.

Messe de Requiem
Desenclos : Requiem
Distribution :
Chœur de Chambre Les Eléments
Orgue Frédéric Desenclos
Direction : Joël Suhubiette
Compositeur : Alfred Desenclos
Le Requiem de Desenclos
par Vincent Genvrin
Il existe bel et bien une tradition du "Requiem français". Un fil invisible semble guider des compositeurs aux conceptions musicales, religieuses, philosophiques parfois opposées pour aboutir à un corpus d'une étrange cohérence.
Le testament d'Alfred Libon, directeur général des Postes, est le point de départ de cette tradition. Camille Saint-Saëns se voyait en effet léguer la somme de cent mille francs or à la condition de composer un Requiem à la mémoire du donateur, ce qui fut fait en 1878.
Par-delà l'anecdote ("l'homme en noir" plus ou moins légendaire de Mozart se trouvant remplacé par un haut fonctionnaire de la République, sans mystère celui-là), Saint-Saëns va définir les contraintes du genre, qu'il situe d'emblée à mi-chemin entre la liturgie et le concert. De la liturgie, il retient, outre le texte, la concision, un soin particulier apporté à l'écriture pour chœur et une instrumentation atypique dont certains effets dérivent des usages des grandes paroisses parisiennes (grand orgue, orgue de chœur, harpe). Il tourne ainsi le dos aux productions à grand spectacle de Berlioz ou Verdi. Mais il prend tout autant ses distances par rapport à l'œuvre utilitaire en créant une pièce unique, achevée, en un mot une œuvre "d'auteur". On ne peut s'empêcher de reconnaître ici la marque de Liszt, dont l'Oro supplex du Requiem (écrit dix ans plus tôt) avait directement inspiré Saint- Saëns, de l'aveu même de l'auteur.
Dix ans plus tard, Gabriel Fauré, ami intime de Saint-Saëns, compose à son tour un Requiem auquel il donne toutes les apparences d'une composition utilitaire, respectant l'effectif instrumental et vocal de la Madeleine où il fut joué pour la première fois lors des funérailles d'un obscur paroissien.
L'héritage d'Alfred Libon était destiné à soustraire Saint-Saëns "à la servitude de l'orgue de la Madeleine". Astreint à son tour aux mêmes "servitudes", Fauré exprime dans son Requiem toute la douleur que lui inspire la mort de sa mère. Il crée finalement une œuvre très proche de Saint-Saëns, des causes opposées produisant, par effet de miroir, un effet semblable.
Le Requiem de Saint-Saëns fut vite oublié, victime sans doute de sa profonde originalité, et il n'en aurait pas été autrement de celui de Fauré sans l'intervention de son éditeur Hamelle. Ce dernier, se rappelant sans doute le succès remporté par la Messa da Requiem de Verdi, créée triomphalement au Théâtre des Italiens en 1876, lui demanda une version pour grand orchestre.
Coulée dans le moule des grandes œuvres symphoniques, créée au Trocadéro lors de cette foire commerciale géante qu'était l'Exposition Universelle de 1900, la messe de Fauré devenait une sorte de grande liturgie laïque, propos qui se trouvait renforcé par l'indifférence religieuse de l'auteur.
La filiation Saint-Saëns - Fauré serait demeurée une simple coïncidence si Maurice Duruflé ne l'avait commuée, bien malgré lui, en véritable "tradition". Son Requiem, composé en 1947, reprend la forme du requiem "laïc" grand orchestre, création en concert. Il s'inspire également de Fauré en reprenant certains poncifs suave solo de voix de femme pour le Pie Jesu, grande mélodie à l'unisson du chœur pour le Libera me.
Duruflé introduit toutefois une grande nouveauté, qui insuffle une vie nouvelle à ce qui pouvait apparaître, en 1948, comme une coquille vide : le chant grégorien est utilisé comme matériau thématique principal. Sans doute, ce chant grégorien était-il pour Duruflé le symbole d'une foi militante. Il entendait se démarquer du scepticisme (voire de l'athéisme) de Saint-Saëns et Fauré, fonctionnaires inspirés mais sans convictions de l'Église concordataire, en affirmant qu'un grand requiem devait retrouver la véritable signification d'un texte passé à l'arrière plan. Mais Duruflé ne souhaitait pas hypothéquer pour autant la portée universelle du requiem de concert, qui, loin d'entrer en contra- diction avec sa foi, vient au contraire la renforcer. "Dieu est partout" se justifiait Olivier Messiaen à un journaliste qui s'étonnait de le voir créer L'Ascension dans une salle de concert.
Alfred Desenclos va, en 1963, ajouter une variation à sa façon sur le thème lancé par Saint-Saëns un siècle auparavant.
La destinée d'Alfred Desenclos est, à bien des égards, exemplaire. Né en 1912 au Portel (Pas-de-Calais), septième d'une famille de dix enfants, il doit travailler comme dessinateur industriel jusqu'à l'âge de vingt ans pour assurer la subsistance familiale.
Ayant dû renoncer à poursuivre ses études générales, il entre toutefois au conservatoire de Roubaix en 1929 pour y étudier le piano qu'il avait pratiqué jusque-là en amateur.
Armé d'une ténacité à toute épreuve, il récoltera plusieurs récompenses en piano, orgue, harmonie, histoire de la musique, tout en continuant son travail de dessinateur. Le bagage qu'il acquiert en seulement trois ans devait être particulièrement solide, puisqu'il entre au conservatoire de Paris en 1932.
Les études qu'il y mène seront particulièrement brillantes : à plusieurs prix (harmonie, fugue, composition, accompagnement), il ajoutera la gloire toute académique d'un Premier Grand Prix de Rome en 1942.
La vie musicale du Paris de l'immédiat après-guerre est d'une singulière effervescence. De par sa formation, Desenclos se situe d'emblée dans le camp des néoclassiques, qui doit à cette époque affronter une contestation virulente, largement alimentée par la presse musicale.
Desenclos se refuse cependant à croiser le fer et réussira, grâce à son esprit fin et ironique, à préserver une grande liberté d'esprit. Sans renier la qualité de sa formation académique (qui lui a d'ailleurs permis de mettre fin à ses problèmes matériels), il n'en ignore pas les limites, avouant notamment qu'il n'avait "commencé à écrire de la musique qu'à partir de son Prix de Rome".
Les premiers contacts de Desenclos avec la musique religieuse datent de ses années d'étude au Conservatoire. Il obtient alors, afin d'assurer sa subsistance, un poste de maître de chapelle à Notre-Dame-de-Lorette. Les motets qu'il compose pour cette église suivent la tradition initiée par Saint-Saëns et surtout Fauré, avec ses harmonies raffinées, son généreux sens mélodique, comme en témoignent l'Ave Maria, les deux O salutaris et le Sanctus.
L'AgnusDei surprend en revanche par son romantisme exacerbé, presque germanique. Cette pièce qui suit le texte de la messe des morts était peut-être l'ébauche d'un requiem qui, s'il avait été mené à son terme, aurait fait figure d'exception.
Mais Desenclos n'a commencé à composer de la "musique", nous dit-il, qu'à partir de son Prix de Rome... Après avoir produit plusieurs œuvres purement profanes (quintette, concertos, symphonie), à l'exception d'un court Pater Noster (1944), Desenclos s'intéresse de nouveau à la musique sacrée, en composant en 1958 deux pièces pour chœur a cappella, Nos autem et Salve Regina. Elles lui permettent de définir un style qui annonce le Requiem (1963), très différent de ses motets de jeunesse.
La version originale fait appel, comme l'ultime version de Fauré et bien sûr Duruflé, au grand orchestre, ce qui place d'emblée l'œuvre dans un cadre profane. Dans le Sanctus, le chœur est même noyé dans la masse orchestrale à la manière du Daphnis de Ravel, œuvre profane s'il en est. Mais ce mouvement demeure une exception. Partout ailleurs, l'orchestre s'efface, formant une manière de délicat écrin, pour magnifier la somptueuse écriture vocale. Comme dans le Requiem de Saint- Saëns, le chœur s'annexe le quatuor des solistes, ceux-ci s'assimilant au "petit chœur" des motets versaillais.
L'équilibre semble finalement pour Desenclos la vertu essentielle.
S'il respecte certains poncifs (la grande phrase à l'unisson du chœur pour le Libera me, indispensable depuis Fauré et Duruflé), il en pulvérise d'autres, évitant par exemple le suave solo du Pie Jesu, remplacé par un chœur aux harmonies grinçantes de style "médiéval". S'il renonce à citer textuellement des motifs grégoriens de la messe des morts (Duruflé ayant sans doute épuisé le sujet), il n'hésite pas à prendre exemple sur ceux-ci pour forger son matériel thématique (faible ambitus, mélismes, indication "quasi gregoriano").
Desenclos réserve par ailleurs une grande part aux pouvoirs expressifs de l'harmonie.
L'utilisation fréquente d'accords parallèles, qui ne sont pas sans évoquer le jazz, est réellement une nouveauté dans un Requiem. En alternant effets harmoniques et polyphonie, Desenclos parvient à créer un style original, aussi peu rétrograde qu'il est avant-gardiste, d'une expressivité directe, sans boursouflures ni sécheresse.
"Quand je compose, je ne définis pas un but à l'avance" avouait Desenclos. Rebelle à tout système, il se livre, sans aucun à priori, à un savant dosage de tradition et d'initiative personnelle. Après la confession de Fauré, la cathédrale de foi édifiée par Duruflé, c'est finalement l'expérience de Saint-Saëns que Desenclos tente à nouveau, bouclant la boucle d'un siècle de Requiem français. Et si cette expérience n'est pas l'œuvre d'un sceptique, du moins est-elle nourrie d'un évident humanisme.
Extrait du livret du disque Desenclos – Requiem (ed. Hortus)